La dernière idée à la mode dans la Silicon Valley est la « théorie de la simulation ». Elon Musk a lancé la nouvelle catchphrase : il y aurait seulement « une chance sur un milliard » que nous vivions dans la réalité. Comme dans Matrix, nous serions le produit d’une intelligence artificielle infiniment développée, voire la création de nos descendants amusés de faire revivre leurs propres ancêtres mortels et querelleurs. Des scientifiques de renom, d’Oxford au MIT, se prêtent au jeu. Et le New Yorker nous a récemment appris que deux milliardaires avaient embauché des chercheurs pour percer l’énigme… Après tout, si les neurosciences peuvent prouver que nos perceptions et même notre conscience dérivent des stimuli cérébraux, pourquoi un savant machiniste ne pourrait-il pas reproduire l’illusion d’un moi indépendant ?
Voilà une idée qui remonte à trois siècles au moins, depuis qu’un évêque irlandais a rédigé un Traité des principes de la connaissance humaine où il théorisa « l’immatéralisme », une doctrine extrême réfutant l’existence de toute réalité extérieure. « Esse est percipi aut percipere » : être, c’est être perçu ou percevoir. Autrement dit, aucune chose n’a d’existence propre hors de l’esprit qui la perçoit. « Il y a une odeur », cela signifie : « une odeur a été perçue », ou pourrait être perçue, par moi ou par un autre. Il est donc vain de vouloir abstraire un objet de la perception qui l’accompagne. Notre environnement est comme un décor virtuel reconstitué par notre esprit.
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