Soyons honnêtes envers la Ministre, une poignée d’auteurs ont continué, au cours des siècles, à s’appuyer sur la métaphore du pater familias – Thomas d’Acquin ou Thomas Hobbes par exemple, dans la tradition plutôt autoritaire d’un ordre social stable et d’un Etat fort.
Mais John Locke a porté, avec le Second Traité du gouvernement (1690), un coup à peu près final à cette théorie, en consacrant tout un chapitre à la description du « pouvoir paternel ». Il demande qu’on abandonne ce triste concept, d’abord parce qu’il implique faussement que la mère n’aurait aucune autorité (louable féminisme pour l’époque), mais surtout parce qu’il désigne une obligation naturelle envers un mineur, alors que le pouvoir politique, lui, consiste en un accord consenti entre des êtres dotés de raison. C’est l’acte de naissance de la modernité démocratique : le gouvernement existe non par une sorte de fatalité naturelle, mais par transfert volontaire des droits individuels.
Il est vrai, reconnaît Locke, qu’il est « aisé et presque naturel aux enfants de revêtir leur père de l'autorité du gouvernement, par un consentement tacite », car « ils avaient été accoutumés, dans leur enfance, à se laisser conduire par lui, et à porter devant lui leurs petits différends ». Mais c’est précisément cette corrélation « aisée » qu’une société adulte et mature se doit d’abandonner.
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