Mais doit-on présupposer que, laissée à elle-même, la nature est harmonieuse ?
Non, répondent Gilles Deleuze et Félix Guattari dans leur œuvre majeure, Mille Plateaux. La nature des classiques n’est que la projection de notre désir d’ordre, de stratification, de verticalité. Elle fonctionne selon le modèle de l’arbre et de la racine. Or, la vraie nature procède par rhizomes, comme ces plantes qui courent sous terre et émergent de manière aléatoire (les orties, par exemple) : conjonctions hasardeuses, flux en devenir perpétuel, mutations extravagantes. « Des combinaisons qui ne sont ni génétiques ni structurales, des inter-règnes, des participations contre nature, mais la Nature ne procède qu'ainsi, contre elle-même. » Le cosmos est chaos, la Nature est anarchie.
Rien d’étonnant alors à ce que l’Occident épris d’origines, de racines, ait façonné une agriculture à son image : « les champs conquis sur la forêt sont peuplés de plantes à graines, objet d'une culture de lignées, portant sur l'espèce et de type arborescent ». Le bio, produit de la culture, nous rassure en inventant une terre bienveillante. Et si la Nature était contre le bio ?
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