La semaine dernière, un blogueur ultranationaliste breton a écopé d'une peine d'emprisonnement de deux ans ferme pour incitation à la haine raciale. Nul ne s’en est ému, alors même que la presse et la classe politique ont unanimement défendu le droit d’Alain Finkielkraut à s’exprimer place de la République. Ce qui repose l’éternelle question : quelles limites pour la liberté d’expression ?
Pour une fois, l’opposition entre approche continentale et anglo-saxonne semble pertinente. Nos fameux philosophes des Lumières se battaient avant tout pour le droit… d’imprimer leurs propres ouvrages. La formule si souvent prêtée à Voltaire (« Je désapprouve ce que vous dites, mais je me battrai à mort pour que vous ayez le droit de le dire ») est apocryphe. Tout au plus notre pamphlétaire national, dans ses Questions sur l’Encyclopédie, reconnaissait-il un « droit naturel de se servir de sa plume », avant de conclure : « Un livre vous déplaît, réfutez-le ; vous ennuie-t-il, ne le lisez pas ». Quant à Diderot, il pouvait avoir des mots très durs contre « ces productions infâmes dont les auteurs et les imprimeurs ne trouvent pas assez profondes les ténèbres où ils sont forcés de se réfugier ». D’où la rédaction très ambiguë, sur le plan de la liberté d’expression, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789), qui tout en garantissant dans son article 11 la « libre communication des pensées et des opinions », donne d’emblée au législateur pleine latitude pour condamner « l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Oui à Finkielkraut, non au blogueur breton ?
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