A l’occasion de son procès, Jérôme Cahuzac revient sous le feu des projecteurs. « Les yeux dans les yeux », il avait menti à la représentation nationale et à l’opinion publique sur l’existence d’un compte en Suisse. Jérôme Cahuzac estime avoir suffisamment payé. Est-ce à dire que le mensonge peut se justifier ?
Benjamin Constant pourrait prêter main-forte à l’ex-ministre du budget. Il avait en effet théorisé en 1796 un « droit de mentir », en prenant l’exemple d’assassins « qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison ». Si l’on admet qu’en des circonstances exceptionnelles il existe un mensonge salvateur, dans la mesure où « nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui », ne faut-il pas alors conclure avec Constant que « dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité » ? Chacun d’entre nous n’est-il pas alors à même de déterminer qui a droit à la vérité ? Rappelons que le secret bancaire en Suisse avait été à l’origine conçu pour protéger les avoirs des Juifs poursuivis par l’Allemagne nazie…
C’est pour réfuter cette relativité du « droit à la vérité » que Kant, dans une controverse célèbre, avait répondu à Constant. Le philosophe allemand exclut toute possibilité d’un « mensonge généreux » : en mentant, je nie la loi morale en moi, puisque que je fais à autrui ce que je ne voudrais pas qu’il me fasse… (même le menteur s’attend à ce que les autres disent la vérité). Ainsi, « le mensonge est toujours nuisible à autrui, sinon à un autre homme, du moins à l’humanité en général. » Faut-il dénoncer ses proches ? Kant répond clairement oui. Il faut perdre ses amis pour sauver l’humanité.
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