Au micro de Jean-Jacques Bourdin lundi dernier, Me Eric Dupond-Moretti, célèbre avocat pénaliste, a estimé que l’état d’urgence « pose la question de la séparation des pouvoirs », ajoutant : « quand on a trop de pouvoir, on risque d’en abuser ». De quels pouvoirs s’agit-il ? Et en quoi leur séparation permettrait-elle de prévenir les abus ?
Me Dupond-Moretti empruntait le vocabulaire de l’Esprit des Lois (première partie, livre XI), où Montesquieu expose le principe qui lui restera attaché de la séparation des pouvoirs. Son point de départ, c’est l’idée que l’origine démocratique d’un gouvernement ne garantit pas la liberté politique : encore faut-il que personne dans l’Etat n’abuse du pouvoir qui lui est confié. Or, Montesquieu confie ses inquiétudes empiriques sur la vertu de ses semblables : « c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Un siècle plus tard, Lord Acton ne dira pas autre chose : « Le pouvoir tend à corrompre, et le pouvoir absolu corrompt absolument »…
Le pouvoir, aussi bien intentionné soit-il, ne s’auto-limite pas. Il faut donc établir une limite ferme, pour que « par la disposition des choses (autrement dit, une Constitution), le pouvoir arrête le pouvoir », et que « l’un enchaîne l’autre par sa faculté mutuelle d’empêcher ». D’où la nécessité d’opposer les uns aux autres, dans une interaction permanente, les trois pouvoirs de l’Etat : la puissance législative (ceux qui font les lois), la puissance exécutrice (ceux qui les appliquent, depuis le gouvernement jusqu’à la police), et la puissance de juger (l’autorité judiciaire, qui les fait respecter).
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