Lévi-Strauss rappelle d’abord que le Père Noël n’est pas une pure invention yankee. « De très vieux éléments sont donc brassés et rebrassés, d’autres sont introduits, on trouve des formules inédites pour perpétuer, transformer ou revivifier des usages anciens. » Le sapin de Noël nous vient d’Allemagne, la bûche rappelle l’usage médiéval de brûler un tronc toute la nuit, la décoration des édifices avec des rameaux verdoyants est empruntée aux Saturnalia romaines…
Mais surtout, le Père Noël met en scène des rites d’initiation universels. Il crée à la fois une « solidarité accrue » en abolissant les classes (chacun reçoit son cadeau), et un « antagonisme exacerbé » entre adultes et enfants. Antagonisme qui reflète la division plus brutale et plus inquiétante entre le royaume des morts, et celui des vivants…
Pourquoi nous efforçons-nous que les enfants croient au Père Noël, le plus longtemps possible ? « Pour qu’ils consentent, en croyant au Père Noël, à nous aider à croire en la vie. » Et que dans ce bref intervalle annuel nous puissions suspendre toute crainte, toute envie, toute amertume. « Par ce moyen, les cadeaux de Noël restent un sacrifice véritable à la douceur de vivre, laquelle consiste d’abord à ne pas mourir. » Le Père Noël nous offre, à nous adultes, quelques heures d’immortalité.
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